A travers la peinture et la vidéo, elle aborde le mariage non pas comme une institution, mais à travers une esthétique, des sonorités, des images et des réminiscences.
Depuis le 20 mai et jusqu’au 17 juillet 2022, à la station d’art B7L9 de La Fondation Kamel-Lazaar, Dora Dalila Cheffi expose une sortie de résidence. Une synthèse des plus originales d’une année de travail que cette artiste tuniso-finlandaise a intitulé « Prestige », une plongée dans l’univers du mariage en Tunisie.
« Depuis mon enfance, j’ai été fascinée par le mariage. Après tout, ces mariages n’étaient-ils pas les principales fêtes familiales auxquelles j’étais invitée lors de mes visites à mon père en Tunisie ? Je suis également certaine qu’avoir assisté à son propre mariage y est aussi pour quelque chose. C’était le sens de la cérémonie et sa théâtralité qui m’intriguaient le plus : l’or, les maquillages outranciers, les haut-parleurs, les coiffures, les trônes et les tapis rouges. Et puis, ce moment précieux quand les nouveaux mariés sont assis ensemble, oscillant entre une vie de bonheur, un glissement dans les problèmes ou pire, une contrainte à vivre à laquelle ils ne s’attendaient pas », explique-t-elle.
Pour développer son concept, Dora Dalila Cheffi a sillonné le pays, assisté à de nombreuses cérémonies de mariage et convoqué sa propre mémoire. Dans son exposition, elle a recours à la peinture et la vidéo, et aborde le mariage non pas comme une institution, mais à travers une esthétique, des sonorités, des images et des réminiscences. Elle parvient à restituer, en se l’appropriant, tout un univers qui la relie à ses propres souvenirs des noces auxquelles elle a pu assister au fil des fêtes familiales. «Prestige» est ainsi un regard artistique sur des réalités profondes, une démarche personnelle s’emparant d’un pan entier de la tradition tunisienne, une rencontre émerveillée et passionnée.
«Pour beaucoup de femmes, le mariage marque souvent le début d’une auto-réflexion durable et aussi un examen de son propre apport à la société. Cette exposition est une réinterprétation du concept de mariage. Plutôt que l’aborder en tant qu’institution », poursuit-elle. «Prestige» envisage la pratique à travers ses divers éléments : esthétiques, sons, mouvements, tradition… Le mariage est approché par le biais d’un prisme qui conjugue humour et absurdité. «Prestige» dépouille les rituels jusqu’à leur plus simple expression et ne tente pas de saisir le mariage dans ses fondements ou sa légitimité en tant qu’institution. « Pour donner le jour à ce projet, j’ai passé l’essentiel de l’année écoulée à effectuer des travaux de recherche. Cela m’a menée à effectuer plusieurs voyages à travers la Tunisie, assister à de nombreux mariages pour lesquels j’étais presque toujours un outsider n’ayant ni liens ni obligations familiales. C’est la seule manière de faire qui me semblait avoir du sens. C’était aussi le seul moyen qui pouvait me permettre de ressentir la beauté de la tradition et du cérémonial, sans être encombrée par mes propres attentes ou celles qui pouvaient être placées en moi. Le résultat de ce cheminement est désormais sous vos yeux», ajoute-t-elle.
Développée avec le soutien de la Fondation Kamel-Lazaar, cette exposition personnelle de Dora Dalila Cheffi sera accompagnée d’un programme de rencontres publiques à la station d’art B7L9 à Bhar Lazreg.
Pour rappel, Dora Dalila Cheffi, née en 1990 à Helsinki, vit et travaille à Tunis. Elle est titulaire d’une licence de l’Ecole d’art, de design et d’architecture de l’université d’Aalto. Sa première exposition personnelle, «Bitter Oranges», a eu lieu à Tunis en février 2020. Ses œuvres ont fait partie d’expositions collectives avec la Galerie Selma-Feriani et The Other Space de Andersen’s Contemporary, et ont été présentées en ligne avec Taymour Grahne Projects. Ses œuvres font partie de la collection de la Fondation Kamel-Lazaar, de la collection permanente du Musée d’art contemporain Al Maaden (Macaal) et de la collection Beth Rudin DeWoody. Dora Dalila Cheffi a été sélectionnée pour prendre part à l’exposition Nuoret 2023.